pauline sauveur

questionner les liens entre corps et espace(s)

3 nouvelles (de) maisons

extraits :

La maison digère
La maison ferme les yeux.
C’était chez lui, il y a peu, il y a cinq ou six ans, une petite éternité. Il a laissé des objets, la frange de la masse immense des affaires matérielles, qu’on trimbale et qui s’accordent à nos gestes essentiels. Manger, dormir, aimer, grandir, vieillir et vivre chaque jour.
Machine à l’arrêt, elle les laisse fondre sous la langue et mâchouille rêveusement. Objets usés, ils s’amenuisent, se perdent et s’inutilisent. Oblitéré, superflus, sans valeur pour même se voir embarqués aux portes du dernier déménagement (…)

Ombre sombre
Tu tournes en boitant encore, comme après tes exercices de musculation, lors des séances de rééducation. Il fait chaud. Septembre c’est l’été, les grillons le racontent encore chaque soir. La lumière crue de midi, aux mille éclats sur les pare-brise et les carrosseries. Le parking est toujours plein en face. T’imaginais pas qu’il y avait tant de monde tout le temps. Inlassablement (…)

Je passe
Oui, il est vrai que je me suis parfois attardé à l’orée de la pièce, dans l’ombre encore. Et j’ai parfois rougi, oh, à peine, face à un couple pêle-mêle en action, bras et jambes ébouriffés, pour avoir suivi, c’est vrai, leurs caresses et leurs gémissements. Les courbes de la chair m’ont toujours fait de l’effet, rien n’y fait, quelle que soit la combinaison, d’ailleurs, un garçon une fille, deux filles ou deux garçons, allez savoir. Surprendre l’amour et le désir cru m’a toujours ému (…)

Trois nouvelles, volume n° 157
éditions Poïein – 2016
3 euros

livre d’artiste imprimé en risographie
imaginé et réalisé à l’occasion de ma résidence d’auteure à Chaumont
avec les Silos maison du livre et de l’affiche
dont le salon du livre avait pour thème : ville et littérature.