pauline sauveur

questionner les liens entre corps et espace(s)

les chaises sont des fenêtres comme les autres

L’attente résumée dans l’objet.
La chaise.
Symbolisée par.

L’objet anthropomorphe qui révèle et l’action de l’inaction et l’attente assise et le corps qui est, avec son mystère premier, assis sur une chaise, le corps qui réfléchit parle pleure sourit agit pense lit, dont l’esprit s’échappe, reste libre, impossible à définir avec certitude. J’aime cet irréductible-là, de l’esprit dans le corps sur la chaise.
Le corps sur la chaise, la présence reconnaissable même de très loin, comme trois points forment un visage : la silhouette inscrit un personnage dans le lieu, l’image, le paysage.

Re-venir encore, poursuivre, questionner encore ? Le premier texte « L’eau du bain ou les yeux brodés ». Creuser ce qui commençait déjà comme ça : « Attendre. Et pas bouger. On dirait que ça serait un jeu. Je reste sur ma chaise, le dos bien droit. Les mains sur les genoux et j’attends. »

Trouver la chaise qui sera légère (mon dos) et transportable facilement avec la voiture du Parc. Commencer avec cette chaise dans la forêt, qui sera une position dans l’espace, qui sera le cadre, le processus, le protocole, un prérequis, le truc là pour commencer, et nous verrons. Parce que c’est peut-être ça l’élan qui a pris place sur la chaise, cette envie de garder une trace, d’être en mesure de renouer avec, de convoquer, d’interpréter, de garder la marque du lieu, l’infime.

Extrait du journal de résidence en Essonne / remue.net

2 janvier 2016
L’attente résumée dans l’objet. La chaise. Symbolisée par.
L’objet anthropomorphe qui révèle et l’action de l’inaction et l’attente assise et le corps qui est, avec son mystère premier, assis sur une chaise, le corps qui réfléchit parle pleure sourit agit pense lit, dont l’esprit s’échappe, reste libre, impossible à définir avec certitude. J’aime cet irréductible-là, de l’esprit dans le corps sur la chaise.

30 janvier 2016
Il me reste peu de temps avant d’être en retard à Milly.
J’installe la chaise dehors, proche de l’eau de la rivière qui passe autour et décide de mettre plus de secondes entre les images.

24 février 2016
Pas de photo à la chaise aujourd’hui. Trop tard et trop de pluie.

25 février 2016
Se garer loin, puis trimbaler la chaise tout le long de la piste cyclable interdite aux voitures qui s’enfonce dans les bois. Le Cyclop est monumental et endormi en travaux d’hiver. Autoportraits les pieds dans le sable, ne pas être sûre mais faire, m’atteler à ça et avancer : m’asseoir.

26 février 2016
Le soleil entre les branches et les ronces, ma chaise qu’il a portée, que j’installe, vide.

22 avril 2016
La chaise reste là. On est vendredi et elle n’aura pas servi cette fois ce mois-ci, le manque de courage du dos. C’est pourtant bien de ça qu’il s’agit. Du courage dans les actes à mener. Si on veut que ça ait du sens. Me le redire encore.

24 juin 2016
Puis. Je sors ma chaise.
C’est la première fois dans la carrière. Parce que m’asseoir est étrange, l’idée est étrange. Parce que cette action me semble un luxe dans ce lieu de travail. Pourtant je travaille, on travaille tous les trois. C’est pourquoi je prends le pied de l’appareil photo et la chaise.

25 août 2016
Et je cours à la maison Cocteau. Je me trompe de parking et traverse Milly avec ma chaise lourde sous le soleil qui cogne.

15 septembre 2016
Alors la chaise ? À votre avis ?
« On dirait que c’est elle qui regarde le paysage. Moi, ça me fait penser à la solitude. On dirait qu’il manque quelqu’un. Je me demande qui était là juste avant. On pense à s’asseoir. » (Rencontre avec les collégiens).

A voir également : Chaise dans le paysage – deux vidéos

Protocole mis en oeuvre lors de cette résidence en Essone en 2016. Puis adopté comme outil pour expérimenter une relation à un lieu, un paysage.

Commencer par quelque chose.
Commencer par apporter une chaise de dedans dehors.
Et s’asseoir.
Ou pas.

Série en cours.