
Retour en images sur le Printemps des Poètes à la Cité du Mot, dans l’une des salles du Prieuré, où j’étais invitée à animer un atelier d’écriture. Une chouette équipe nous a rejoint alors que dehors c’était le vent la pluie et le froid. Tout le monde s’est approprié les bonbons mots avec plaisir, pour imaginer de très courtes et percutantes fictions ! Et c’était bien de rire ensemble et d’apprendre que plusieurs écrivent régulièrement (on écrit tous bien plus qu’on ne l’imagine avec nos mails, nos sms et autres posts en ligne !!)

Puis je me suis lancée dans ma première dictée, en tant qu’autrice et dicteuse, sur un texte reprenant des éléments de nos Nocturnes, les chroniques écrites à la suite du confinement avec Laurent Herrou (à retrouver sur le site de littérature contemporaine remue.net).
Revenir (et dicter) quelques réflexions sur la question des réseaux sociaux et l’ambiguïté structurelle de leurs algorithmes, en plus de leur virage masculiniste déclarés.
Ce fut l’occasion de glisser des accords de proximités et quelques variantes inclusives, inaudibles à l’oral, bien tolérées par les unes et les autres (comme on le dit d’une médecine appropriée) et somme toute, bien discrètes à l’écrit (on est loin de la fin de la langue française annoncée : )
Merci à toutes les personnes participantes !
Et à l’équipe de la Cité du Mot de la Charité-sur-Loire pour l’accueil impeccable et gourmand !


Le texte de la dictée :
« Je ne veux plus être le produit.
Je veux un espace numérique, des réseaux, qui ne soit pas anthropophages.
Je veux reprendre la main.
Dans le milieu des jeux vidéo, il y a une catégorie de joueurs qu’on appelle les speedrunners. Ils plongent dans le jeu pour découvrir tous les interstices de liberté, à la recherche de la vitesse maximale. À travers les bugs, les astuces et la logique étonnamment cumulative de ces univers, ils cherchent à terminer la partie complète le plus rapidement possible.
Dans Zelda par exemple, on peut stopper le fil du temps (option magique) frapper de l’épée un rocher, puis, arrimé dessus, remettre le temps en route et libérer la force cinétique accumulée pour traverser la map comme un boulet de canon. Se catapulter comme aucun programmeur ne l’avait envisagé auparavant. Détourner les possibilités. Jouer avec le jeu.
Par comparaison, je constate comme mes réseaux sociaux et leur virage masculiniste ne sont pas un jeu. Je constate comme je n’ai aucun moyen de faire un pas de côté dans le réseau, dont je subis la logorrhée, la structure et la publicité. Allergiques et prédateurs, ils capitalisent à nos dépens sur notre immense besoin d’échanges. Dopamine addictive. Comme atteints d’une maladie auto-immune mystifiant l’idée même de connexion, le commentaire, la réaction et l’inflammation y sont exponentielles.
Pourtant, je me souviens, du 4 août 2020.
À l’écran, il y avait une terrasse, des voix, des amis. Je devinais la main qui tenait le portable, qui filmait, qui soudain se tournait vers ce qui se déroulait à l’horizon. Ce geste anodin. Et l’image avait basculé dans un cri, alors que le bras et le corps et les amis tombaient au sol sous le coup de la déflagration. Beyrouth presque entièrement soufflée.
Une explosion dont on avait vu ensuite la répétition infinie, hypnotisés. Vivant l’évènement, sans le vivre le moins du monde, et pourtant, ébranlé.es par son effroyable violence.
Toucher et être touché.es.
Parfois les réseaux, envers et contre tout, contre eux-mêmes surtout, laissent passer des parcelles intenses et humaines, à notre hauteur.
Il s’agit maintenant de les cultiver ailleurs. »
Et pendant que l’équipe prépare le prochain Festival aux quatre coins du Mot, très heureuse de voir passer une photo de l’année dernière, de la lecture performée de Presqu’îl-e :
