Vendredi 25 novembre 2022
Hier à l’école avec les CE2-CM1.
J’apprends avec plaisir que les gĂ¢teaux-fait-maison-vendus-au-profit-de-la-coopĂ©rative c’est tous les jeudis, ça me semble parfait ! Je me joins Ă eux pour payer une part, et je reçois en Ă©change un ticket colorĂ©, juste après que leur enseignante ait fait l’appel.
Cette fois-ci je lis « Deux mains les dents » publiĂ© par les Ă©ditions Onviva dans un ouvrage collectif intitulĂ© Sauvages(s) ! C’est un texte que j’aime lire, un peu curieux, un peu Ă©trange et pas très clair. Il fait froncer les sourcils lorsqu’on en discute ensuite. Il y a la peur, la colère, les dents qui sont des crocs et peut-Ăªtre des canines, il y a le crocodile quasi inoffensif, le sac Ă main et la main dans la gueule de l’animal qui mord, la narratrice qui rigole, le poids ou la lĂ©gèretĂ©, juste au-dessus de la ruelle et de la ville.
L’incarnation du texte, la narratrice qui est tout autant un narrateur, l’animal imaginaire.
La transition se fait naturellement vers la question du personnage et la crĂ©ation que je leur propose : dessiner des petits visages Ă placer (Ă nouveau) sur une pince Ă linge. Se reprĂ©senter soi-mĂªme, puis des copains et des copines, des amis des sÅ“urs et des voisines. La classe se transforme en petite ruche qui s’organise toute seule, (j’aime quand mes idĂ©es deviennent plutĂ´t les leurs) Le sachet de pinces en bois, les tubes de colles, les feutres et le papier Ă©pais circulent sans notre aide, ce qui nous permet avec l’enseignante de rĂ©organiser la salle d’à cĂ´tĂ© : les tables contre le mur, les chaises alignĂ©es, et de l’espace vide au milieu. Les pinces trouveront leur place en une longue file sur quatre tables qui se suivent sous les fenĂªtres. La foule est lĂ , joyeuse et colorĂ©e. Puis nous formons un grand cercle confortable (avec coussins) pour dĂ©couvrir des livres des artistes que j’aime et que je viens partager.
Plus ça va et plus je prends du temps pour présenter chaque ouvrage.
Je commence, toujours je crois, par The red dress, la robe rouge, d’Aamu Song, cette designeuse fabuleuse et son idée sublime d’une robe qui tourne, avec une chanteuse dedans et 238 personnes qui peuvent prendre place dans la robe, ses plis, ses volants étalés au sol, et les pochettes dans lesquelles se glisser et s’allonger. Je trouve sublime l’idée, les croquis, l’aventure et le fait que le fabriquant de tissu ait été tellement enthousiasmé par le projet qu’il a offert tout le tissu nécessaire. Savoir qu’une telle chose est possible, a été réalisée, est encore en tournée parfois de festival en festival me fait un grand bien. Et c’est ce bien que je partage en premier.
Je prĂ©sente Ă©galement le livre Material world, monde matĂ©riel, de Peter Menzel, pour lequel lui et 15 autres photographes ont sillonnĂ© le monde dans les annĂ©es 90, ont proposĂ© et trouvĂ© des familles qui ont acceptĂ© de poser pour un portrait avec toutes leurs possessions sorties devant leur maison. Un portrait croisĂ© du logement et de ses habitants, des modes de vie, des objets et des meubles qui font notre quotidien. C’est une sĂ©rie qui montre la grande disparitĂ© des richesses et des familles, des pays oĂ¹ la guerre est lĂ , lisible dans l’arme tenue Ă la main par celui qui pose debout sur le toit du camion sur le cĂ´tĂ© de la scène. OĂ¹ la richesse, c’est parfois une somme de tapis et d’étoffes quand le climat est rude, oĂ¹ la profusion s’étale sur deux jardins qui se prolongent. Et je montre Ă chaque fois cette photographie qui raconte l’extraordinaire de cette famille qui accepte de poser devant son appartement, au troisième Ă©tage… : sur un plateau suspendu Ă une grue, Ă hauteur de l’habitation, oĂ¹ l’on voit les parents et les enfants assis dans le canapĂ©, les meubles, les chaises, la voiture mĂªme et la rangĂ©e de toutes les chaussures bien alignĂ©es sur le bord au-dessus du vide.

Deux sacs de livres plus tard, passĂ©es auprès de photographes, d’animaux qui parlent, de danseurs, de bĂ¢timents et de dinosaures, on se rend compte que la matinĂ©e est presque terminĂ©e. Je constate comme ils sont concentrĂ©s, curieux et impliquĂ©s.
Je pense que la douceur et la précision de l’enseignante y est vraiment pour quelque chose.