Ce fut une chose très intéressante à faire à l’époque, gamine. S’installer, fermer les yeux, ne plus bouger, se retenir de rire, avoir la patience nécessaire, le temps qu’on me recouvre le visage et que les bandelettes de plâtre prennent. Sentir le plâtre sécher et se craqueler sur la peau, sentir que le moindre sourire fait bouger toute la peau du visage. Puis obtenir ce masque : un moule en creux, dans lequel couler du plâtre pour obtenir son propre visage souriant et endormi.
Le fait que le masque m’aille toujours, tout en n’était plus ni moi ni à ma taille et surtout plus à mon âge, est une sensation étrange. Qui permet d’éprouver une forme de gratitude envers son propre moi pré-adolescent, de l’auto-sororité à travers les années. Et je me dis qu’on en a besoin aussi, de cette sororité, de cette fraternité, de cette bienveillance qu’on accorde (qu’on devait toujours et encore accorder) aux enfants, afin d’en avoir l’habitude et en réserve pour les autres.
C’est à partir de ce moulage que j’ai réalisé trois autoportraits en tissu, légers, qui semblent éphémères, posés sur une très fine armature de fil de fer, plantée dans un socle de cire blanche.
Pièces de l’installation « Bruissements intimes »