pauline sauveur

questionner les liens entre corps et espace(s)

abbaye – journal de résidence #3

Vendredi 18 novembre 22

Les plantes et les animaux me touchent, à chaque fois.
Les gens généralement et les enfants en particulier. Et ce qui est vivant et ce qui m’entoure : les arbres, les nuages, les champs voisins, les haies vives et impénétrables, les montagnes qui ne m’entourent pas (trop loin les Cévennes) les herbes et les plantes dans le jardin.

Hier, journée complète dans la belle abbaye de Noirlac (dont les pierres me touchent au moins autant que les herbes et les arbres vivants) pour la partie de la résidence qui concerne la classe avec laquelle nous préparons ensemble les Futurs de l’écrit.

J’ai traversé le département vers le Sud et je suis arrivée avant les enfants. Élisa de la FOL et Pascale (en stage) étaient déjà là. Jean-Christophe Désert a tout préparé la veille : il y a des micros pour capter les sons, les futures paroles et les exclamations dans plusieurs espaces de l’abbaye.

Nous avons rendez-vous devant la grille de l’entrée, ils sont 16 élèves de CM2 à qui je me suis rapidement présentée jeudi dernier, en coup de vent dans leur classe. Ils connaissent presque tous Élisa, mon ange-gardienne du bibliobus qui est venue à l’école une fois par semaine après les cours.

Après avoir traversé un premier jardin puis le cloitre sur un de ses côtés, nous nous installons dans le réfectoire chauffé. Ses grandes fenêtres et ses vitraux de verre blanc toujours aussi majestueux. Sur les murs, la pierre est à nu, à pierre vue exactement qui est une façon de faire les joints à la chaux teintée de sable, sans creux ni bourrelets, en suivant la surface des pierres dans une légère ondulation.

Il fait chaud sur la banquette en pierre qui ceinture presque toute la pièce et qui cache des radiateurs bas, sur lesquels les enfants viennent pour la plupart de poser de leur sac de pique-nique. On décide alors que le petit hall juste à côté, qui fait face au grand escalier, servira de meilleur lieu de rassemblement matériel.

Je déplie le pied j’accroche l’appareil photo et nous commençons cette journée qui va se dérouler entre circulation, courses, mouvements, regroupement et dispersion, mots, verbes et images.

Ils auront une visite guidée détaillée après les sandwichs et les chips, qui leur fera refaire le tour de l’abbaye. Ils termineront par un temps d’expérimentation au studio 4, le studio d’enregistrement et de manipulation sonore, avec des visages pleins d’étonnement, des rires et des enthousiasmes évidents face à tout ce qui peut se faire sur les sons déjà en boite (captation du bocage, oiseaux, animaux, pluie, vent).

Ces rencontres sont étonnantes, encore, chaque fois.

Et mes inquiétudes nouvelles se glissent ça et là, elles aussi. Pourtant il y a clairement de belles images, principalement une abbaye lumineuse et surexposée et des corps en mouvements qui s’évanouissent dans le flou de mes prises longues. Je regarderai probablement ces séries plus rapidement que d’habitude (et je sens poindre la réticence déjà, physiquement je freine l’idée même) puisque d’habitude je prends plus d’un mois pour transférer, ouvrir les fichiers et commencer la moindre sélection. C’est le stratagème que j’ai trouvé pour ne pas être chaque fois si réticente face à mon travail effectué.

Et je note, en toute objectivité, qu’il me faudrait songer à faire évoluer mon réflexe vers un peu moins d’autocritique aveugle et systématique. Histoire de mieux regarder mon travail en général, et mes images en particulier.

Résidence programme ciclic / auteur-autrice associée / FOL18 – ligue de l’enseignement du Cher