pauline sauveur

questionner les liens entre corps et espace(s)

espace – journal de résidence #4

Mercredi 23 novembre

Il va falloir éclaircir (écrire sur) ce point, cette tristesse récurrente, qui se glisse là entre chaque idée, chaque page de notes et chaque fois que je m’assoie à la table ou sur le tapis au milieu de toutes mes feuilles de papier pour réfléchir au projet, approfondir mes idées ou mettre de l’ordre dans les propositions à venir.

Il va falloir l’amenuiser, puisque je sens que je ne saurai pas m’en débarrasser. L’étancher, la consoler, la relativiser ou la réduire, en miettes, en sauce, la matérialiser pourquoi pas ? Et la poser sur mon épaule gauche, l’incorporer ou la digérer, lui trouver une fonction, lui accorder du terrain mais surtout en délimiter les bords, bien se rappeler de ses limites, et lui retirer ma motivation de sa gueule, de ses pattes. Puis réveiller le reste : accorder le temps et l’attention aux envies, aux idées, au travail, aux intentions, au plaisir, aux intuitions.

Et je sors dans le jardin préparer du matériel. J’ai dépoussiéré mes deux structures de cabanes miniatures en métal (sur une base de 30 cm) qui s’attrapent si facilement par le faitage qui semble, à s’y méprendre, à une poignée. Au lieu d’acheter d’éventuels bâtons, j’ai décidé depuis un moment déja de voir ce que je peux tirer de ce qui existe déja, et je tente l’idée des bambous pour mes baguettes à manipuler et assembler.

J’ai retaillé des morceaux, de bambous verts coupés cet été pour le potager, et prélevé quelques grandes tiges noires du bosquet près de la maison. Deux catégories, deux couleurs, deux longueurs, 50 et 30 centimètres, que je débarrasse de toutes les branches secondaires et que je poncerais avec application jusqu’à la nuit tombée.

Peut-être que la tristesse n’est que la forme trop vite identifiée comme telle, alors qu’il s’agit de la conscience que le temps file, et le nombre d’ateliers restant file autant ? Alors que je sais ce qui derrière cogne à la porte : cette envie, depuis longtemps, de prendre à bras le corps le sujet et le matérialiser : approcher les lieux, approfondir le sujet, avec du temps, des espaces à disposition, et les presque volontaires enfants du cadre scolaire, joyeux, joueurs, éparpillés et spontanés.

Résidence programme ciclic / auteur-autrice associée / FOL18 – ligue de l’enseignement du Cher