pauline sauveur

questionner les liens entre corps et espace(s)

transformation

Musculature : aujourd’hui + 1 cm de tour de bras.
Et le miroir au fond de la pièce.
Pour prendre le reflet au loin, la lumière du jardin, la silhouette.

– Tu sais, ce miroir, il a une histoire. Parce qu’en fait, je ne supporte pas de regarder mon visage, mais j’ai besoin de voir le corps, l’allure. Est-ce que les muscles donnent autre chose ? Est-ce que ça se voit ? Les postures, les épaules ? Les bras ? Alors là c’est bien, parce que je suis à contre-jour. J’ai besoin de regarder, mais je ne peux pas me voir. Je ne veux pas voir mon visage. Juste regarder l’image extérieure du corps, de ce que je vis de l’intérieur.

Pourquoi la transformation ?
Pour la curiosité. Par peur de l’ennui. Pour voir. L’appétit pour ce qui va arriver. Et surtout, pour enlever ce qui n’est pas moi dans ce corps.
Pourquoi ?
Pourquoi j’ai attendu autant de temps.

C’est la phrase qui a réveillé, qui a fait surgir l’évidence, qui a emporté la douleur inscrite depuis si longtemps au niveau du thorax, incompréhensible, inguérissable. La fenêtre ouverte par où se sont déversées la question et la réponse. Par où les armes, les larmes, ont coulé trois jours durant, pour retrouver une sensation vraie, enfouie. Une évidence. Ensuite, ce fut rapide, c’est devenu une urgence légitime.

Mais ce soir, je suis mal, furieux, ou les deux.
Trois personnes m’ont dit bonjour… Euh, monsieur ? Euh… Madame. Ça ne passe pas, je ne passe pas. À quoi ça tient ? À soi. À moi. S’il y a de la fatigue ou de l’inattention, l’oubli de consciemment occuper l’espace, de gérer la posture, les regards, la gestuelle, l’intonation.

Effectivement, disant cela, sa position change sur la banquette : bras sur le dossier, buste en avant, attitude plus volontaire, le visage et l’expression plus décidés. L’effet est immédiat, tout change, presque rien, mais tout quand même.
Troublant.
(…)

extrait de Presqu’îl-e
(projet en cours)